VIDÉO. Cet ami d’Akon, également proche d’Obama, se veut une source d’inspiration. Ses valeurs : l’effort, le dépassement, l’ambition et la foi en soi. Il témoigne.

C’est l’histoire d’un rêve. Celui d’un jeune garçon originaire de Kaolack, grande ville au coeur du Sénégal d’où il est parti à l’aventure sans rien dans les poches avec un coeur rempli d’espoir. Thione Niang a aujourd’hui 37 ans. Reçu par les plus grands de ce monde, il n’en oublie pas pour autant ses racines africaines. Mieux, à la tête de plusieurs projets, dont Akon Lighting Africa, un méga-projet d’entreprise pour électrifier l’Afrique, et Give1 project, il veut participer au développement du continent africain. Il vient de publier un livre autobiographique *qui rappelle combien “sans de puissantes racines, aucun arbre ne peut tenir debout”. Il s’est confié au Point Afrique.

Parcours d’un immigré aux États-Unis

C’est en 2008 que Thione Niang se fait connaître du grand public. À l’époque, il est un jeune activiste membre du directoire de campagne du président Barak Obama. Il détonne, est réactif et très communicatif. On se demande alors qui est cet homme d’origine africaine qui s’affiche aux côtés du premier président noir de l’histoire. On n’allait pas tarder à le découvrir. “C’est vrai, je suis arrivé aux États-Unis avec 20 dollars, comme beaucoup d’immigrés africains et beaucoup d’immigrés du monde entier, certains sont arrivés là-bas avec zéro dollar, mais ils sont avant tout venus avec le cœur”, débute Thione Niang, des souvenirs de cette période plein la tête. Il débarque donc à New York, en l’an 2000, avec pour seul diplôme son bac L obtenu au lycée Blaise-Diagne, à Dakar. Issu d’une famille polygame de 28 enfants, Thione a grandi dans un environnement typiquement sénégalais. Après un passage chez ses grands-parents à la Médina de Dakar, il dépose une première demande de visa à l’ambassade américaine. Refusée. Une deuxième. Encore refusée. “J’ai encore déposé une troisième fois, la chance me tournait toujours le dos. Je déposais une quatrième fois et c’est à ce moment qu’on décida enfin de m’accorder un visa. C’était en janvier 2000. Ce ne fut que 5 mois après que je pus me procurer un billet d’avion en destination des USA, car mes proches ne savaient pas où trouver l’argent. Heureusement, un de mes cousins, Daouda Ndaw, venu du Japon m’a prêté l’argent avec lequel, j’ai pu me procurer le billet d’avion”, se souvient-il. L’envie d’aller en Amérique lui est venue en classe de 4e au lycée Valdiodio-Ndiaye lorsqu’il entend parler du parcours de Kofi Annan par son professeur d’Anglais. C’est le déclic. Ce qu’il ambitionne alors est de vivre le rêve américain. Et pour cela il fallait se battre, en particulier contre ses proches qui ne croyaient pas du tout en son projet. On le traitait de rêveur, on lui citait les exemples de gens partis du pays et qui ont échoué. Il se souvient que ce n’était pas facile au début, du fait du choc de la culture, en plus de la barrière de la langue. “Je ne parlais pas bien l’anglais, ce qui ne facilitait pas bien mon intégration. De plus, arrivé aux États-Unis, je devais trouver un boulot. J’en ai trouvé un dans un hôtel en tant que laveur de tables pour subvenir à mes besoins primaires. Ensuite, j’ai économisé pour payer mes cours universitaires.” Comme beaucoup d’immigrés Thione devait non seulement subvenir à ses propres besoins, mais aussi aider sa famille restée au Sénégal. “À l’âge de 12 ans, j’avais promis à ma mère que le jour où j’allais commencer à travailler, elle n’allait plus jamais galérer. Cette promesse ne m’a jamais quitté”, dit-il. Ce visa, c’est un sésame pour les Niang. Thione est le premier de la famille à pouvoir envisager une vie meilleure ailleurs. “Je me rappelle, qu’il y avait sur ma route entre le Bronx et le New Yorkshire, une agence de Western Union que j’avais identifiée et à chaque fois je repensais à cette promesse. Et je me souviendrai toujours de ma première paye, quand on m’a donné mon chèque, j’ai couru, j’ai pris le bus, et j’ai envoyé mon premier western”, témoigne-t-il. Avant d’ajouter, “non seulement mon rêve d’aider ma famille est devenu réalité, mais j’ai aussi ramené le sourire sur le visage de ma mère. Ce jour-là, j’ai changé sa vie d’une certaine manière. Son petit Thione était devenu grand et il avait tenu sa promesse.”

À l’épreuve du rêve américain

Au départ, l’activisme et la politique sont des univers bien éloignés du jeune étudiant en administration publique. Mais cinq ans après son arrivée, les États-Unis traversent une grave crise financière, celle dite des subprimes. “Les Américains perdaient leurs maisons, la situation économique était grave, le dollar était en baisse, les usines de Ford en crise. Je me suis alors dit qu’il fallait que j’aide les gens autour de moi”, explique-t-il. Thione a donc commencé par faire du volontariat politique afin d’aider sa communauté. Il a travaillé pour un de ses amis, conseiller municipal dans sa campagne. Ils ont gagné une première élection. Cette victoire l’a fait connaître sur le plan local, et cette fois c’est le maire de Cleveland qui l’a donc contacté pour sa campagne. C’est également un succès. “Le sénateur m’a appelé pour être son directeur de campagne et c’est à ce moment que j’ai eu à rencontrer le président Barack Obama, alors sénateur. C’était en 2006. Alors qu’on m’avait déjà nommé président des jeunes démocrates des États-Unis, j’ai travaillé avec Obama pendant 2 ans alors qu’il se préparait pour les élections à la présidentielle. Lorsqu’il a gagné les élections, j’ai intégré le Congrès… où j’ai travaillé durant neuf mois avant de décider de créer se qu’on appelle Give One Project, une organisation qui vise à aider les jeunes dans le leadership et l’entrepreneuriat”, avance-t-il. Quand on l’interroge sur sa vision de l’activisme, celui qui vient de reprendre ses études en Executive Master Politiques et management du développement – Potentiel Afrique à Sciences-Po Paris – partage sans réserve son expérience personnelle. “Vous voyez, l’activisme, c’était d’abord sur moi. Ça a commencé à la maison avec la frustration de voir ma mère souffrir, d’abord parce qu’elle doit partager son mari, ensuite, parce qu’elle doit tout partager du fait de l’énorme compétition à la maison. J’étais frustré de tout cela”, poursuit-il.

 © DR/Facebook
Thione Niang avec le président Barack Obama. Ici en 2012, alors qu’il est en campagne pour un second mandat, renouvelant de fait sa confiance à Thione Niang. © DR/Facebook

Au coeur du système Obama

Thione Niang deviendra quelques années plus tard le président des jeunes démocrates du College Caucus aux États-Unis et coprésident de la campagne du président Barack Obama pour les moins de 40 ans appelé Gen44. En dépit des nombreux obstacles, Thione Niang a su garder intactes sa détermination et sa confiance. “Il fallait décider d’être un acteur du changement ou laisser les choses se faire. On a le choix et tout le monde peut le faire. On avait un gouvernement qui créait des guerres dans le monde et qui ne nous représentait pas en tant qu’Américains, en tout cas, moi, ça ne me représentait pas. Il a fallu se battre pour identifier un politicien qui puisse défendre les intérêts des Américains, pour moi, mes intérêts politiques, mes idéologies pour l’Amérique. Je ne le faisais pas pour Barack Obama, je le faisais pour moi, pour mes enfants, pour l’avenir de mes enfants, pour l’avenir du monde. Ce sont des sacrifices que j’ai fait pendant 2 ans de travail sur le terrain en 2007 et 2008 pour le président Obama pour qu’il puisse changer le cours de l’histoire, pas seulement des États-Unis, mais pour le monde entier”, confie-t-il. Un lien puissant s’est créé entre les deux hommes et encore plus largement avec les équipes du président. En octobre 2015, Thione a été nommé par le président Barack Obama et le secrétaire d’État chargé de l’Énergie Ernest Moniz comme Ambassadeur au sein du ministère de l’Énergie américain pour représenter les minorités en matière d’énergie.

Participer au développement du continent

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Thione Niang a célébré en septembre dernier les cinq ans d’existence de Give1Project. Ici, il est à la Maison Blanche avec tous les jeunes qu’il soutient. © DR

Quinze ans après être arrivé au pays de l’Oncle Sam, Thione est complètement intégré. Il est binational, américain et sénégalais. “Mais ça ne veut pas dire que j’oublie mes racines. Je suis d’abord africain et américain. J’ai les deux, je suis mondialiste, je représente une nouvelle génération qui représente l’Asie, l’Afrique, le Moyen-Orient, les États-Unis. Je suis né en Afrique mais je représente le monde”, plaide-t-il, sa sensibilité piquée au vif. L’immigration est l’un des sujets qui préoccupe le plus Thione Niang. Avec les récentes vagues de migrants arrivés en Europe, ou ceux qui échouent dans des embarcations, Thione veut agir. Et vite. “Ce passeport qui nous dit vous devez être de cette surface, ça fait partie de vous est injuste, soyons clair, on ne peut pas condamner des gens, en particulier les jeunes, sur tous les terrains où je me suis rendu, j’ai vu des jeunes qui avaient les mêmes aspirations que moi !” plaide-t-il. “Des jeunes de Ceuta, au Maroc, pour passer et venir en Occident que j’ai rencontrés récemment il y a deux semaines. Ils vivent dans la brousse. Ils ont besoin d’inspiration, ils n’ont pas besoin d’attendre de se tuer, ou de tuer en Belgique et en France des innocents au nom d’une chose en laquelle ils ne croient même pas. Ces jeunes ont besoin d’inspiration. Ces jeunes sont en train de se battre dans des guerres qu’ils ne connaissent pas. Pourquoi ils le font ? Ils ont besoin d’inspiration”, tient-il à ajouter, emporté par la cause. Il a tiré de chaque difficulté surmontée une leçon de vie qu’il présente dans son livre autobiographique intitulé Mémoires d’un éternel optimiste. Son but ? Aider tous ceux qui le souhaitent à “construire un monde meilleur pour aujourd’hui et les prochaines générations”.

Sa fondation Give1Project

Give1Project, la fondation qu’il a créée pour l’autonomisation des jeunes est déjà présente dans plus de 20 pays. Notamment en France, aux États-Unis, au Japon, mais également dans de nombreux pays africains (Sénégal, Bénin, Togo, Côte-d’Ivoire, Ghana, Gabon…). En Afrique, et au Sénégal, il a mis en place de grands incubateurs d’entreprises qui forment chaque mois 75 jeunes entrepreneurs. La même expérience est lancée en Gambie, un pays qui connaît une crise migratoire sans précédent. Là-bas, en plus des  jeunes entrepreneurs, Thione forme ceux qui ont des projets dans l’agriculture par exemple. Avec un modèle économique qui repose sur le secteur privé. “Depuis 2009-2010, on ne prend pas d’argent public. En France, on travaille avec Axa et Claude Bébéar. Au Sénégal, la même chose. On travaille avec les gouvernements, on a des partenariats avec eux mais on ne prend pas de l’argent public, tout est privé”, explique-t-il. Pour les cinq ans de l’organisation, Thione a emmené toute une délégation d’Afrique, des quartiers difficiles de Paris, en France à la Maison-Blanche. “Je veux être un mentor pour les jeunes. Car, en repensant aux années de difficultés, je me rappelle combien j’aurais aimé être accompagné et grimpé les échelons, réalisé des choses beaucoup plus vite. Pour moi, ça a pris du temps, mais pour certains de ces jeunes-là maintenant, c’est possible, c’est ce que je dis à la jeunesse partout.”

 © David Monfort Dagency
Thione Niang fait son discours ce mardi 15 décembre lors de l’inauguration de la Solektra Solar Academy, premier centre de formation dédié au solaire à Bamako, au Mali. © David Monfort Dagency

Akon Lighting Africa, le méga-projet d’électrification du continent

Du message à l’acte, c’est en 2014 que Thione s’associe avec la star internationale Akon et cofonde “Akon Lighting Africa”, une initiative qui répond aux problèmes d’énergie dans les villages isolés, les zones périurbaines et urbaines d’Afrique.
 Ce projet vise à fournir l’électricité à 1 million de foyers en Afrique. Thione, Akon et Samba Bathily lancent Solektra International, la principale société d’énergie solaire en Afrique. Le 15 décembre dernier ils ont inauguré la première académie dédiée au solaire à Bamako, au Mali. La Solektra Solar Academy, un programme ambitieux destiné à former chaque année 200 ouvriers qualifiés, techniciens et ingénieurs venus de toute l’Afrique. Cette formation, à la fois théorique et pratique, est orientée sur les enjeux propres au continent, tels que le développement de systèmes d’électrification décentralisée en milieu rural. “Nous sommes en train d’installer un écosystème performant autour des technologies solaires pour créer des emplois et des débouchés. C’est notre responsabilité vis-à-vis de la jeunesse africaine”, dit-il. De quoi permettre le retour de jeunes Africains dispersés à travers le monde. Un sacré pied de nez à tous ceux qui pensent que la jeunesse africaine a fini de rêver.

REGARDEZ Thione Niang expliquer le sens de son combat.

Thiong Niane V1-2 par lepointafrique

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CEO AfrikaTech

Comme beaucoup de personnes j’ai connu l’Afrique à travers des stéréotypes : l’Afrique est pauvre, il y a la guerre, famine… Je suis devenu entrepreneur pour briser ces clichés et participer à la construction du continent. J’ai lancé plusieurs entreprises dont Kareea (Formation et développement web), Tutorys (Plate-forme de e-learning), AfrikanFunding (Plate-forme de crowdfunding). Après un échec sur ma startup Tutorys, à cause d’une mauvaise exécution Business, un manque de réseau, pas de mentor, je suis parti 6 mois en immersion dans l’écosystème Tech au Sénégal. J’ai rencontré de nombreux entrepreneurs passionnés, talentueux et déterminés. A mon retour sur Paris je décide de raconter leur histoire en créant le média AfrikaTech. L'objectif est de soutenir les entrepreneurs qui se battent quotidiennement en Afrique en leur offrant la visibilité, les connaissances, le réseautage et les capitaux nécessaires pour réussir. L'Afrique de demain se construit aujourd'hui ensemble. Rejoignez-nous ! LinkedIn: https://www.linkedin.com/in/boubacardiallo

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