Pour Mamadou Niane et Edith Brou, entrepreneurs dans l’e-commerce, c’est un défi crucial. En Afrique subsaharienne, les statistiques évaluent le poids de l’informel à 55 % du PIB et 80 % des emplois.

Résolument énigmatique, souvent incomprise, l’Afrique de l’économie informelle connaît des mutations profondes. Bien que méconnue, cette Afrique est majoritaire. C’est une Afrique de l’innovation pragmatique. Une Afrique des solutions qui naissent quotidiennement, sans faire de bruit. Une Afrique de la débrouille, de la survie, du système D. Pour cette Afrique, seréinventer constamment, c’est répondre à des besoins croissants de consommation et à un environnement extrêmement compétitif.

L’informel fait partie intégrante des sociétés africaines. Il est commun aux zones urbaines et rurales. Les automobilistes peuvent acheter de nouveaux essuie-glaces, une recharge téléphonique ou une planche à repasser dans les embouteillages. En zone rurale, les automobilistes peuvent faire leur marché à tous les croisements où ils trouveront denrées alimentaires et autres biens de première nécessité. Cette économie, au premier abord désorganisée, répond en fait à des règles précises. Elle forme un ballet complexe mais cohérent qui donne son pouls aux sociétés africaines. Le chaos du secteur informel devient harmonieux pour quiconque détient sa clef d’analyse.

55 % du PIB et 80 % des emplois

Le numérique et les initiatives qui en découlent offrent des solutions concrètes pour transformer le secteur informel. Le poids économique de cette Afrique informelle est gigantesque. En Afrique subsaharienne, les statistiques évaluent le poids de l’informel à 55 % du PIB et 80 % des emplois. Pourtant, par définition, ces chiffres sous-estiment la réalité.

Pour évoluer et entrevoir la possibilité de formaliser leurs activités, les acteurs du secteur informel ont besoin d’un accompagnement adapté. Il est également nécessaire de les doter d’outils flexibles capables de soutenir leur développement sans dénaturer ni alourdir leurs activités. Sur ces aspects, le secteur informel et le numérique partagent le même ADN.

En matière de commerce, certaines start-up mettent à disposition des commerçants, des artisans et des petites PME des plateformes leur permettant d’accéder à de nouveaux marchés. Aujourd’hui, en postant des annonces en ligne, le vendeur de meubles du quartier du zoo à Abidjan peut toucher une clientèle se trouvant à Riviera Mbadon. Un marchand de bazin du marché HLM de Dakar peut s’adresser aux riverains de Liberté 6 extension. Les start-up peuvent faciliter la formalisation des commerces, non par contrainte administrative mais par attrait commercial. C’est la force transformative des nouvellestechnologies.

Web-séries à succès

Autre secteur, autre exemple. Dans les industries créatives, le numérique structure des secteurs d’activités naissants. Alors que les jeunes créateurs de contenu peinaient à vivre de leur art, le numérique leur a permis d’insérer les chaînes de valeur de l’industrie de l’audiovisuel ou de la publicité. Grâce à leur notoriété en ligne, de nombreux d’entre eux ont été en mesure de signer des contrats avec des sociétés de production pour produire du contenu.

En Côte d’Ivoire, des web-séries comme Yopougon dans le quartier ou Les 3 Djandjou ont trouvé leur public. Chacun des épisodes compte des centaines de milliers de vues sur YouTube. Des influenceurs Web ont pu créer des contenus originaux comme Le Divan numérique ou Ma Vie mon choix. Ces succès reposent sur la créativité des auteurs et sur le canal de diffusion qu’offre le numérique.

Défit crucial

C’est également le cas dans l’industrie de la musique africaine qui compte plus de cent plateformes de téléchargement légales. A l’instar du géant nigérian iRoko, ces plateformes proposent des œuvres en streaming et en téléchargement. Aujourd’hui, elles garantissent des revenus partagés aux artistes qui, hier, voyaient leurs œuvres inonder le marché noir. C’est par les outils numériques que de nombreux talents sont sortis de l’économie informelle alors que cela semblait encore une utopie il y a peu.

Ces exemples peuvent être répétés, dans les villes comme dans les campagnes. L’impact du numérique dans les sociétés africaines va bien au-delà du succès des banques sans fil ou du guerrier masai utilisant son mobile au milieu du Masai Mara.

La transformation du secteur informel est un défi crucial pour l’avenir du continent africain. Il faudra travailler main dans la main avec ses différentes composantes pour relever les défis les plus importants des prochaines décennies. Pour créer les onze millions d’emplois stables par an dont les jeunes ont besoin. Pour créer le tissu entrepreneurial essentiel pour un développement inclusif et durable.

Lemonde.fr

 

About The Author

CEO AfrikaTech

Comme beaucoup de personnes j’ai connu l’Afrique à travers des stéréotypes : l’Afrique est pauvre, il y a la guerre, famine… Je suis devenu entrepreneur pour briser ces clichés et participer à la construction du continent. J’ai lancé plusieurs entreprises dont Kareea (Formation et développement web), Tutorys (Plate-forme de e-learning), AfrikanFunding (Plate-forme de crowdfunding). Après un échec sur ma startup Tutorys, à cause d’une mauvaise exécution Business, un manque de réseau, pas de mentor, je suis parti 6 mois en immersion dans l’écosystème Tech au Sénégal. J’ai rencontré de nombreux entrepreneurs passionnés, talentueux et déterminés. A mon retour sur Paris je décide de raconter leur histoire en créant le média AfrikaTech. L'objectif est de soutenir les entrepreneurs qui se battent quotidiennement en Afrique en leur offrant la visibilité, les connaissances, le réseautage et les capitaux nécessaires pour réussir. L'Afrique de demain se construit aujourd'hui ensemble. Rejoignez-nous ! LinkedIn: https://www.linkedin.com/in/boubacardiallo

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