En Afrique francophone, la production de fruits et légumes a progressé de plus de 50 % en dix ans (entre 2004 et 2014), selon des statistiques de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Soit pas moins de 43 millions de tonnes pour l’Afrique de l’Ouest et 18 millions pour l’Afrique centrale, grâce notamment à une augmentation des surfaces cultivées (+ 4 millions d’hectares sur la période).

Cette forte progression concerne aussi bien les cultures produites pour satisfaire les marchés locaux, majoritaires, que celles destinées aux exportations, qui représentent moins de 10 % des volumes dans chaque pays.

« Il y a un développement important du maraîchage, comme on l’observe au Sénégal, dont le climat est très favorable et où un système logistique efficace a été mis en place »

Ainsi, la quantité de mangues ivoiriennes expédiées en Europe a augmenté de près de 50 % en 2016 tandis que le Sénégal annonce s’être rapproché de l’autosuffisance dans la culture des oignons et des pommes de terre, avec pour cette dernière une production de près de 90 000 t pour une consommation annuelle de 95 000 t.

« Il y a un développement important du maraîchage, comme on l’observe au Sénégal, dont le climat est très favorable et où un système logistique efficace a été mis en place », confirme Hubert de Bon, chercheur spécialiste de ce secteur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

Objectif : autosuffisance 

Pourquoi un tel engouement ? Avant tout parce que ces cultures portent la promesse d’importantes recettes, mais aussi d’économies. À l’export, elles représentent des entrées de devises, souvent complémentaires à celles des grandes cultures de rente comme le cacao, l’arachide ou le coton. Des revenus qui ne sont pas soumis aux secousses spéculatives des marchés mondiaux, car les prix des fruits et légumes sont globalement stables.

Quant aux récoltes vendues localement, elles permettent de limiter d’autant les importations provenant de pays extérieurs à la zone CFA, donc les sorties de devises. Le développement du maraîchage sert « les objectifs d’autosuffisance alimentaire, notamment sur les fruits et légumes de grande consommation comme les pommes de terre », note Macoumba Diouf, chargé du maraîchage au ministère sénégalais de l’Agriculture.

Dans notre pays, les fruits et légumes sont avant tout destinés à la consommation locale

Conscients de cet enjeu, les États prennent des mesures pour faciliter la commercialisation des productions nationales, telles que le blocage des importations en période de récolte, comme au Sénégal, pour préserver la production d’oignons, ou encore le développement d’infrastructures permettant d’étendre les périmètres cultivés, comme en Côte d’Ivoire.

« Dans notre pays, les fruits et légumes sont avant tout destinés à la consommation locale. Dans le contexte de changement climatique, nous avons donc mis en place un programme d’irrigation totale pour pouvoir produire en toutes saisons », souligne Nouhoun Coulibaly, directeur général de la planification au ministère ivoirien de l’Agriculture.

Visibilité

Pour les producteurs, le marché export reste cependant le plus intéressant. « Sur la pastèque, par exemple, on gagne trois fois plus, soit 1 000 F CFA à l’export, contre 300 quand nous vendons aux commerçants locaux, sauf en période de forte demande, comme le ramadan », explique Hamidou Kane, de la coopérative sénégalaise Delta Prim.

Pour cette structure, qui produit aussi des melons et des courges butternut dans la région de la vallée du fleuve Sénégal, près de Saint-Louis, l’export offre également une meilleure planification de la production sur l’année. « Ce sont des contrats qui courent sur plusieurs mois, ce qui nous donne de la visibilité et nous permet de mieux rentabiliser les parcelles », ajoute-t-il en marge du Salon de l’agriculture de Paris, où il est venu faire le plein de contacts, après avoir participé à la foire Fruit Logistica de Berlin quelques jours plus tôt.

La répartition binaire des productions, avec, d’un côté, celles destinées au marché local et, de l’autre, celles qui seront exportées, est en pleine évolution. Dans les grands centres urbains, les classes moyennes sont à l’origine d’une demande nouvelle en matière de choix, de prix, de qualité et de modes de consommation.

Secteur informel

Elles boostent la part des supermarchés dans le secteur de la distribution, jusque-là dominé par le secteur informel. « Il y a une clientèle qui recherche des produits de qualité équivalente à ceux qui sont exportés. Ce marché reste étroit, mais il connaît une progression ces dernières années, par exemple d’environ 30 % par an pour les bananes », observe Jean-Marc Gravellini, vice-président Afrique du groupe français Compagnie fruitière.

 Pour servir les supermarchés urbains, les filières maraîchères souffrent d’un manque d’organisations coopératives et d’exploitations de taille intermédiaire.

Pour le moment, l’essentiel des producteurs n’a pas accès à ces circuits de distribution : la production de fruits et légumes est très majoritairement assurée par des milliers de petits exploitants, uniquement tournés vers le marché informel. « Jusqu’ici, les petites exploitations ne nous garantissaient pas de production suffisamment régulière en qualité et en quantité, tandis que les sociétés d’export, les grandes fermes, n’étaient pas conçues pour nous approvisionner », explique Gérard Blin, directeur alimentaire de Mercure International, qui exploite la franchise Casino en Afrique francophone.

« Pour servir les supermarchés urbains, les filières maraîchères souffrent, dit-il, d’un manque d’organisations coopératives et d’exploitations de taille intermédiaire. Néanmoins, des initiatives apparaissent et nous permettent de développer les achats locaux, comme au Congo, avec par exemple l’installation récente des Domaines de Djeno, près de Pointe-Noire [600 t d’aubergines, choux, courgettes, carottes, melons et autres salades prévues cette année]. »

Bataille

À leur tour, les exportateurs s’intéressent peu à peu à cette demande locale. Depuis deux ans, Compagnie fruitière s’est implantée en Côte d’Ivoire, où elle commercialise des produits maraîchers (issus en partie d’exploitations tierces). « Il s’agit pour nous de petits volumes, environ 1 000 t aujourd’hui, mais les niveaux de rémunération sont tout à fait satisfaisants », explique Jean-Marc Gravellini, qui compte parmi ses clients le groupe Carrefour, installé depuis un an à Abidjan et qui projette d’ouvrir prochainement d’autres magasins sur le continent.

Les perspectives ouvertes par ce marché local grandissant sont d’autant plus attrayantes que la bataille pour les parts de marché se fait plus rude en Europe. Non seulement les tomates cerises sénégalaises de la Compagnie fruitière voient leur « fenêtre commerciale se réduire » à quelques mois par an (en raison de l’explosion de la production sous serre au nord de la Méditerranée), mais, surtout, ses bananes font face à la concurrence grandissante des pays d’Amérique centrale.

« En effet, les “bananes dollar”, beaucoup moins chères grâce à des économies d’échelle, sont de moins en moins taxées à leur entrée en Europe, et c’est très préoccupant », explique-t-il. De quoi menacer le modèle de la Compagnie fruitière, pensé pour l’export grâce à un accès sans barrières douanières au marché européen.


Quand La Compagnie fruitière se met au vert

Face à une demande croissante en Europe, le groupe Compagnie fruitière développe son offre bio, voire bio-équitable, pour ses productions destinées à l’export. « C’est une tendance forte, un marché qui se développe. Les consommateurs sont attentifs à la qualité, aux conditions de production et à leur impact environnemental et social », explique Jean-Marc Gravellini, vice-président Afrique du groupe.

Au Ghana, le label bio-équitable a été obtenu pour les bananes, tandis qu’au Cameroun la certification fairtrade concerne une grande partie de ses exploitations. Des schémas que la compagnie entend développer de plus en plus, passant de 20 % de bio actuellement – avec environ cinq ans d’expérience – à 50 % dans les années à venir.

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CEO AfrikaTech

Comme beaucoup de personnes j’ai connu l’Afrique à travers des stéréotypes : l’Afrique est pauvre, il y a la guerre, famine… Je suis devenu entrepreneur pour briser ces clichés et participer à la construction du continent. J’ai lancé plusieurs entreprises dont Kareea (Formation et développement web), Tutorys (Plate-forme de e-learning), AfrikanFunding (Plate-forme de crowdfunding). Après un échec sur ma startup Tutorys, à cause d’une mauvaise exécution Business, un manque de réseau, pas de mentor, je suis parti 6 mois en immersion dans l’écosystème Tech au Sénégal. J’ai rencontré de nombreux entrepreneurs passionnés, talentueux et déterminés. A mon retour sur Paris je décide de raconter leur histoire en créant le média AfrikaTech. L'objectif est de soutenir les entrepreneurs qui se battent quotidiennement en Afrique en leur offrant la visibilité, les connaissances, le réseautage et les capitaux nécessaires pour réussir. L'Afrique de demain se construit aujourd'hui ensemble. Rejoignez-nous ! LinkedIn: https://www.linkedin.com/in/boubacardiallo

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