Basée en Côte d’Ivoire, l’entreprise de Noël Kombo N’Guessan et Louise Bijleveld propose de fabriquer engrais et biogaz à partir des déchets organiques produits par les communautés et les agro-industries ouest-africaines.

Le 19 décembre, Jean-Bernard Levy, PDG d’EDF, a récompensé à Paris les trois lauréats de la première édition des Prix EDF Pulse Africa. Parmi eux, Lono, un projet porté par l’ivoirien Noël Kombo N’Guessan et sa fiancée néerlandaise Louise Bijleveld, pour créer de l’engrais et du biogaz à partir des déchets organiques.

« Nous sommes une entreprise sociale, notre but est avant tout de permettre à des populations rurales d’augmenter leur production agricole et d’avoir de l’énergie pour cuisiner, tout en valorisant leurs déchets », précise Noël N’Guessan.

Né à Abidjan en 1988, ce dernier a suivi son père, cadre chez Unilever, dans sa carrière en Zambie, au Zimbabwe et en Afrique du Sud. Après un bac britannique (le Cambridge International A-Level) obtenu à Harare, au Zimbabwe, le jeune homme a entamé des études de génie chimique à l’université de McGill, à Montréal, avant de s’envoler pour Stellenbosch, en Afrique du Sud, et d’obtenir son master de biosciences à l’université de Gand, en Belgique, en 2015. « Dès mes premières années d’études, au Canada, j’avais l’idée de créer une entreprise de biotechnologie pour valoriser les déchets », confie-t-il.

Une expérience agricole pour comprendre les enjeux

La rencontre avec Louise Bijleveld, qui étudiait alors le développement international, la sociologie et la promotion du genre, donnera un nouvel élan à ce projet. La jeune femme se chargea d’un volet sur l’impact social et l’autonomisation des femmes.

De retour en Côte d’Ivoire en 2015, le couple ne perd pas de vue son projet, mais préfère se lancer d’abord dans l’agriculture. « Nous voulions connaître les problématiques auxquelles sont confrontées les populations avec lesquelles nous allions travailler, savoir comment s’utilisent les engrais, comprendre pourquoi ces derniers peuvent être à l’origine de véritables problèmes environnementaux et de santé publique… », explique Noël N’Guessan.

Mon but, c’est de proposer un engrais propre à chaque localité, en fonction de ses besoins en matière de culture

Dans son laboratoire, ce dernier analyse aussi différents mélanges de résidus. « Mon but, c’est de proposer un engrais propre à chaque localité, en fonction de ses besoins en matière de culture, mais aussi de ses apports en résidus », explique l’ingénieur qui assure avoir pris conscience, en voyageant, de l’extrême diversité des situations. « On retrouve cette diversité à l’intérieur même de la Côte d’Ivoire, c’est pour ça qu’il nous est impossible de proposer un système clé en main pour les ménages ou même les villages. En amont de chaque contrat, nous assurons donc une étude de faisabilité. Ensuite, en fonction du type de déchet et des besoins de la localité en termes d’énergie et d’engrais, nous proposons l’installation et la maintenance de l’unité de fermentation la mieux adaptée. Il faut expérimenter à chaque fois pour trouver la bonne formule », détaille-t-il.

Des projets avec les communautés rurales comme avec l’agro-business

Pour étudier les conditions optimales pour la valorisation des déchets, Lono a aussi lancé, avec des partenaires en Côte d’Ivoire et en Allemagne, un programme de compostage des ordures ménagères avec 300 ménages du village de Tiassalé : « ils se sont engagés à nous fournir pendant un an leurs déchets triés. En échange, nous prenons en charge leur taxe d’enlèvement des ordures ménagères », explique Noël N’Guessan.

L’industriel nous louera une unité de biogaz. En échange de ce loyer, il verra sa facture énergétique diminuer

Mais à côté de son action sociale, la start-up vise aussi les agro-industriels en Côte d’Ivoire, au Mali, au Bénin, et à plus long terme au Liberia. « Nous réalisons actuellement des études de faisabilité pour des opérateurs divers : des brasseries, des abattoirs, des transformateurs agricoles. Si nous faisons affaire, l’industriel nous louera une unité de biogaz. En échange de ce loyer, il verra sa facture énergétique diminuer », indique le fondateur de la société, dont l’objectif est d’avoir installé en 2019 dix de ces unités, pour une production d’un MW d’électricité hors réseau.

La rentabilité dès le second semestre 2018 ?

Noël N’Guessan et Louise Bijleveld, qui ont investi près de 40 000 euros en fonds propres pour lancer leur entreprise, espèrent que Lono atteindra l’équilibre dès le deuxième semestre 2018. « Nous comptons sur nos activités agricoles pour arriver à la rentabilité et générer de la trésorerie », explique Noël N’Guessan, qui indique que Lono s’est lancée dans le maraîchage et la production d’arachides à Koun-Fao et envisage de développer son propre label, local et bio. Cette activité occupe six de leurs dix employés, les autres étant répartis entre l’unité de biotechnologie et la partie commerciale et administrative.

Ces points seront stockés sur un portefeuille électronique et pourront être échangés, soit contre de l’engrais, soit contre de l’argent

« Trouver des ressources humaines qui soient qualifiées et motivées » a été l’une des plus grandes épreuves dans le parcours du cofondateur de Lono, qui cite également la nécessité « d’être en phase avec les populations qu’on veut aider, ce qui n’est pas toujours facile ».

La jeune entreprise a bien terminé l’année 2017 : en décembre, outre le deuxième prix du concours EDF Pulse (voir ci-dessous), qui lui apporte une dotation de 10 000 euros et un accompagnement personnalisé, la start-up a obtenu 10 000 euros du concours Ignite.

Ses cofondateurs réfléchissent maintenant à la mise en place de son système de rémunération des fournisseurs de résidus. « En échange de leurs déchets, nous donnerons des points à nos fournisseurs. Ces points seront stockés sur un portefeuille électronique et pourront être échangés, soit contre de l’engrais, soit contre de l’argent », explique Noël N’Guessan.


Concours EDF Pulse Africa : une première

Le groupe énergétique français EDF a lancé en 2017 la première édition africaine de son concours de start-up EDF Pulse, quatre ans après les premiers concours en France, au Royaume-Uni et en Italie.

Elle s’adressait aux petites structures (start-up, micro-entreprises et PME) actives dans le secteur de la production électrique off-grid, des usages et services électriques ou de l’accès à l’eau. Elles devaient être domiciliées en Afrique et au moins un cofondateur devait être africain. 97 entreprises y ont participé.

Jeune Afrique

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CEO AfrikaTech

Comme beaucoup de personnes j’ai connu l’Afrique à travers des stéréotypes : l’Afrique est pauvre, il y a la guerre, famine… Je suis devenu entrepreneur pour briser ces clichés et participer à la construction du continent. J’ai lancé plusieurs entreprises dont Kareea (Formation et développement web), Tutorys (Plate-forme de e-learning), AfrikanFunding (Plate-forme de crowdfunding). Après un échec sur ma startup Tutorys, à cause d’une mauvaise exécution Business, un manque de réseau, pas de mentor, je suis parti 6 mois en immersion dans l’écosystème Tech au Sénégal. J’ai rencontré de nombreux entrepreneurs passionnés, talentueux et déterminés. A mon retour sur Paris je décide de raconter leur histoire en créant le média AfrikaTech. L'objectif est de soutenir les entrepreneurs qui se battent quotidiennement en Afrique en leur offrant la visibilité, les connaissances, le réseautage et les capitaux nécessaires pour réussir. L'Afrique de demain se construit aujourd'hui ensemble. Rejoignez-nous ! LinkedIn: https://www.linkedin.com/in/boubacardiallo

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