Au Forum Anzisha à l’École polytechnique de Palaiseau, de jeunes Africains et des observateurs avertis ont partagé leur expérience. Instructif.

Ces dernières années de nombreuses études ont démontré que l’entrepreneuriat est l’une des clés du développement du continent africain. Avec une croissance de 4,5 % en moyenne, l’Afrique est à même d’offrir de nombreuses opportunités à ceux qui veulent entreprendre dans une Afrique en pleine mutation et désormais perçue comme la nouvelle frontière des marchés émergents.

Trouver « LA » bonne idée et démarrer

L’entrepreneuriat séduit. Et ils sont chaque jour plus nombreux à se jeter à l’eau dès qu’une bonne idée ou un début de solution semble émerger. Que ce soit dans le cadre informel ou via la création de sociétés. Un pari, qui n’est pas gagné d’avance, tant les contraintes sont nombreuses. Globalement, en Afrique, on entreprend encore pour résoudre un problème, ou aider la communauté. L’accès au financement bancaire, le cadre juridique et fiscal sont souvent inadaptés aux besoins des entreprises, et il existe peu de données fiables sur les marchés etc. Alors que dans le même temps, les pays africains, selon le dernier rapport Doing business, sont ceux qui ont le plus réformé pour améliorer le climat des affaires. Insuffisant, pour le moment, car sur le terrain, chaque pays propose sa propre recette pour inciter à la création d’entreprise. Mais le rêve de tout entrepreneur est de contribuer à développer l’économie de son pays, bâtir le tissu des fleurons nationaux, et pour les plus ambitieux, envisager de se lancer sur les marchés internationaux. Quels sont les facteurs de réussite d’une entreprise qui s’adresse à l’Afrique ? Cédric Atangana, fondateur d’Infinity Space, start-up spécialisée dans l’innovation, révèle qu’ « il faut dès le départ bâtir une stratégie sur le long terme avec une vision claire de chaque étape, notamment en ce qui concerne le plan de financement ». Qu’à cela ne tienne, ce 26 février à l’École polytechnique dans le cadre du Forum Anzisha que l’association X-Afrique a décidé de consacrer à l’entrepreneuriat, les entreprises présentes sont pour la plupart loin d’avoir défini un calendrier aussi précis de leur avenir. À la barre des projets, des Africains installés sur le Continent mais aussi issus de la diaspora, des non-Africains qui misent sur l’attractivité de l’Afrique sur son fort potentiel humain.

L’étape cruciale du pitch

Dans le processus de l’entrepreneuriat, tel qu’on le présente aujourd’hui, l’étape la plus cruciale reste le pitch. C’est le moment où l’entrepreneur tente de convaincre de potentiels partenaires ou des financiers. Il doit présenter son projet parfois en quelques secondes. Cédric Atangana, rompu à l’exercice, détaille son dernier pitch réalisé aux États-Unis devant des dizaines d’investisseurs. « En Afrique, on a 800 000 personnes qui sont non bancarisées et qui ne peuvent pas acheter sur Internet, par contre, il existe aujourd’hui des solutions mobile-money au Kenya, dans tous les pays. Ces solutions ne sont pas toutes interopérables et les sites de e-commerce ne peuvent pas les proposer à leurs clients. Donc, nous avons développé une nouvelle technologie qui permet justement aux sites d’e-commerce d’embarquer toutes les solutions de paiement mobile qui existent en Afrique sur leur site à travers une seule application. » Au total, cela lui a pris soixante secondes, pour convaincre de la potentialité d’un marché estimé à un milliard d’utilisateurs. Tous les professionnels sont unanimes sur l’importance du pitch dans le processus d’obtention des premiers fonds.

Et la levée de fonds, quésaco ?

Un mystère demeure cependant. Il concerne la levée de fonds. Comment la fait-on et pourquoi ? Que faire avec ces sommes rapidement engrangées. « C’est une étape très, très difficile, à la fois simple et complexe, car il faut avoir une idée bien précise des montants dont on a besoin, chiffrer de manière précise les besoins parce qu’en général, les start-up demandent beaucoup de financements, veulent tout avoir tout de suite : un bureau, des employés… Mais dans l’idéal, il faut juste trouver un montant optimal pour démarrer. Et à chaque étape, recommencer cet exercice », soutient Cédric Atangana. Les jeunes entreprises comme Infinity Space fonctionnent souvent sur fonds propres dans les premières années. Alors, ces dernières années, l’investissement et la levée de fonds sont devenus deux grands enjeux majeurs pour l’avenir de l’entrepreneuriat en Afrique. Dans ce domaine, il n’y a qu’à regarder l’engouement des fonds d’investissement depuis dix ans : Français, Européens, Américains et de plus en plus d’Africains se bousculent pour financer le secteur privé du Continent. Pour autant, la sélection est toujours très stricte avec des critères à forte exigence.

Quel secteur, pour quel avenir ?

À Polytechnique, ce 26 février, neuf jeunes entrepreneurs ont présenté leurs projets d’entreprise dirigés vers l’Afrique. Amina Nasri, diplômée de l’École polytechnique et des Mines de Paris, fondatrice d’Afrikwity, a dévoilé sa plateforme d’equity crowdfunding pour l’Afrique qui permet à des investisseurs, notamment à ceux de la diaspora africaine, d’investir dans le capital des start-up et des PME africaines. Cyril Colin et El Alami, deux diplômés de l’École polytechnique et de l’Université de Berkeley, ont également pitché sur leur start-up elum, lauréate des Rethink Africa Awards, une solution logicielle qui optimise l’utilisation de l’énergie solaire à l’aide d’algorithmes pour réduire les factures d’électricité des clients, favorisant ainsi une transition accélérée vers les énergies renouvelables. Un projet déjà proposé au Maroc et qui va bientôt s’élargir au Sénégal. Constat. Deux secteurs suscitent de réelles vocations : les énergies renouvelables et le numérique. Le premier parce qu’avec un continent qui souffre de déficit énergétique, les solutions d’avenir sont de plus en plus regardées comme les plus adaptées pour rattraper ce retard. Dans l’ensemble, beaucoup ont à cœur d’intégrer des systèmes énergétiques durables dans la vie quotidienne des Africains. Pour le second, le numérique, l’enjeu est devenu presque vital dans une société qui se développe rapidement, autour du mobile, notamment, les extensions d’utilisation pour les médias, les applications, le crowdfunding décuple les capacités.

Sur place, le terrain n’attend pas !

Mais Mamadou Mbaye, directeur général du Fonds souverain (sénégalais) d’investissements stratégiques (FONSIS) avertit : « Il y a forcément un gap entre ce que les starts-up proposent et la réalité du terrain. On sent quand même qu’il y a une espèce de tropisme traditionnel qui a tendance à dire que les gouvernements africains sont mal structurés, qu’ils ne font rien, qu’il y a énormément de problèmes. Oui, il y a des problèmes mais beaucoup de gens seront surpris dans les années qui viennent parce qu’il y a énormément de perspectives intéressantes d’évolution qui vont un peu à l’encontre des idées reçues. » Moussa Mara, ancien Premier ministre du Mali, aimerait que les jeunes entrepreneurs maliens s’inspirent des projets les plus innovants pour bâtir le tissus entrepreneurial du pays. « L’entrepreneuriat des jeunes, pour moi, c’est l’une des pistes les plus sérieuses pour sortir le continent de ses difficultés, et il y a un élément clé : l’innovation. » Avant d’ajouter : « Notre pays est un pays francophone où l’esprit d’entrepreneuriat n’est pas très développé, la jeunesse au Mali est très orientée vers le salariat, la bureaucratie, ils ne veulent pas prendre de risque de s’implanter et s’imposer dans un marché trop concurrentiel », avance le futur candidat à la mairie de Bamako, venu avec une délégation de jeunes entrepreneurs.

Mamadou Mbaye est plus insistant. Selon lui, les idées qui fleurissent dans le secteur du renouvelable en direction de l’Afrique doivent s’adapter à un environnement relativement frugal qui porte désormais l’obligation de se développer économiquement à « basse émission ». Il explique : « au sens global, la réalité du monde aujourd’hui, c’est que la planète Terre, c’est essentiellement l’Afrique. C’est plus de 33 % des surfaces habitables, c’est un continent qui a donc énormément de potentiel, c’est un continent où il y a très peu d’habitants. On a beaucoup de problèmes, certes, mais on peut les résoudre très rapidement, et de nombreux problèmes du monde peuvent trouver des solutions aussi en Afrique. Donc, on a toute raison de bomber le torse, il ne faut pas seulement regarder les indicateurs économiques, la taille des économies, aujourd’hui il faut remettre en cause ce modèle précisément parce que c’est un mode de valorisation, et de classification qui nous conduit droit dans le mur. »

Source: http://afrique.lepoint.fr/economie/entreprendre-en-afrique-un-si-long-chemin-18-03-2016-2026298_2258.php

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CEO AfrikaTech

Comme beaucoup de personnes j’ai connu l’Afrique à travers des stéréotypes : l’Afrique est pauvre, il y a la guerre, famine… Je suis devenu entrepreneur pour briser ces clichés et participer à la construction du continent. J’ai lancé plusieurs entreprises dont Kareea (Formation et développement web), Tutorys (Plate-forme de e-learning), AfrikanFunding (Plate-forme de crowdfunding). Après un échec sur ma startup Tutorys, à cause d’une mauvaise exécution Business, un manque de réseau, pas de mentor, je suis parti 6 mois en immersion dans l’écosystème Tech au Sénégal. J’ai rencontré de nombreux entrepreneurs passionnés, talentueux et déterminés. A mon retour sur Paris je décide de raconter leur histoire en créant le média AfrikaTech. L'objectif est de soutenir les entrepreneurs qui se battent quotidiennement en Afrique en leur offrant la visibilité, les connaissances, le réseautage et les capitaux nécessaires pour réussir. L'Afrique de demain se construit aujourd'hui ensemble. Rejoignez-nous ! LinkedIn: https://www.linkedin.com/in/boubacardiallo

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