Bruno Mettling détaille dans son livre « Booming Africa », à paraître en début d’année prochaine aux éditions Débats Publics, comment l’entrepreneuriat africain, notamment féminin, se nourrit de la transformation numérique. Entretien.

 

La dynamique entrepreneuriale africaine est-elle dopée par les nouvelles technologies ?

En une décennie, le numérique a changé, de façon spectaculaire, la vie de dizaines de millions d’Africains. Ce bouleversement permettra à l’Afrique de surmonter beaucoup de ses handicaps. Le développement global de l’Afrique est et sera de plus en plus porté, conforté par les nouvelles technologies. Elles apportent, d’une part, des réponses au déficit en infrastructures physiques et, d’autre part, ouvrent le continent à l’économie digitale. Ainsi, l’e-commerce et la banque mobile offrent des perspectives incroyables aux entrepreneurs africains. C’est un continent qui est passé d’une situation d’exclusion bancaire massive au plus fort taux d’utilisateurs de la banque mobile. Tout converge pour faire du numérique le facteur de déclenchement de l’entrepreneuriat africain.

 

Le numérique favorise-t-il les projets portés par des femmes ?

Les nouvelles technologies constituent un moyen pour les femmes africaines, dont 49 % gagnent leur vie de manière indépendante tout en conservant un rôle central au sein de la société, de développer leur propre activité. L’e-commerce, par exemple, permet à des femmes éloignées de tout circuit de distribution de commercialiser leur savoir-faire et leurs produits. Aujourd’hui, la proportion de femmes entrepreneuses est supérieure sur le continent africain : 25 % des start-upqui voient le jour en Afrique sont fondées ou dirigées par des femmes, contre 17 % aux Etats-Unis. Par ailleurs, une majorité d’entrepreneuses africaines réinvestissent dans leur communauté l’essentiel du revenu qu’elles tirent de leur activité, davantage que ne le font les hommes. De ce fait, les femmes sont un facteur de croissance essentiel.

Plus de 5 millions de femmes vont pouvoir sortir de l’analphabétisme d’ici à 2020 grâce à la technologie sur mobile. 

 

Quels sont les enjeux de l’entrepreneuriat au féminin, via le numérique, en Afrique ?

L’impact économique de l’inclusion des femmes grâce au numérique est réel. Selon le rapport d’Intel « Women and the Web », l’accès des femmes à Internet apporterait 18 milliards de PIB dans les pays en voie de développement. Pour la période 2015-2020, l’inclusion digitale et financière des femmes représenterait une croissance économique de 170 milliards de dollars dans les pays émergents. Si l’accès des femmes aux technologies de l’information et de la communication se généralisait, cela garantirait une hausse des revenus par habitant de 14 % d’ici à 2020 et de 20 % d’ici à 2030 [source : GSMA*, NDLR]. Enfin, plus de 5 millions de femmes vont pouvoir sortir de l’analphabétisme d’ici à 2020 grâce à la technologie sur mobile. L’Afrique doit donc se structurer et parier sur l’émancipation des femmes via le numérique.

 

L’écosystème d’accompagnement des entrepreneurs africains suit-il le mouvement ?

Cet environnement est en train de se mettre en place, mais de façon très inégale selon les pays. L’essentiel est de proposer un accompagnement adapté à tous les projets, de leur conception à leur concrétisation en passant par leur accélération. Il faut accompagner aussi bien les projets communautaires conduits dans le cadre du microentrepreneuriat que les projets plus aboutis et à portée plus large. Enfin, les grands acteurs publics comme privés doivent promouvoir les nombreuses initiatives issues des pays africains. Orange soutient le Linguère Digital Challenge au Sénégal, qui aide les femmes à lancer leur business, un hackathon en Tunisie ouvert aux jeunes femmes, l’association Injaz en Egypte, qui accompagne les entrepreneuses… Il est de la responsabilité des acteurs économiques de se mobiliser.

 

La formation constitue-t-elle la pierre angulaire de l’entrepreneuriat via le numérique ?

Ce devrait être la grande priorité des Etats et des bailleurs de fonds. Si on ne forme pas aujourd’hui massivement, et sur place, les jeunes Africains, alors il existe un risque majeur de voir se répéter le schéma des précédentes révolutions industrielles. Former au codage les jeunes Africains, c’est se donner une chance de voir les applicatifs fabriqués sur le continent et non arrivés clefs en main depuis l’Europe, l’Asie et l’Amérique. Récemment, l’Afrique de l’Ouest a vu diplômer sa première promotion de data scientists, grâce à un partenariat entre Orange, l’Institut national polytechnique de Côte d’Ivoire, l’X et l’Ensea en France. Un signal fort, même si nous espérons que les futures promotions seront davantage féminisées.

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CEO AfrikaTech

Comme beaucoup de personnes j’ai connu l’Afrique à travers des stéréotypes : l’Afrique est pauvre, il y a la guerre, famine… Je suis devenu entrepreneur pour briser ces clichés et participer à la construction du continent. J’ai lancé plusieurs entreprises dont Kareea (Formation et développement web), Tutorys (Plate-forme de e-learning), AfrikanFunding (Plate-forme de crowdfunding). Après un échec sur ma startup Tutorys, à cause d’une mauvaise exécution Business, un manque de réseau, pas de mentor, je suis parti 6 mois en immersion dans l’écosystème Tech au Sénégal. J’ai rencontré de nombreux entrepreneurs passionnés, talentueux et déterminés. A mon retour sur Paris je décide de raconter leur histoire en créant le média AfrikaTech. L'objectif est de soutenir les entrepreneurs qui se battent quotidiennement en Afrique en leur offrant la visibilité, les connaissances, le réseautage et les capitaux nécessaires pour réussir. L'Afrique de demain se construit aujourd'hui ensemble. Rejoignez-nous ! LinkedIn: https://www.linkedin.com/in/boubacardiallo

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